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24 février 2013 7 24 /02 /février /2013 23:00

 

 

 

Pigeon (n., m.) :

 

 

Volatile citadin généralement abhorré, serial fienteur amateur de tirs intempestifs sur carrosserie (de préférence la vôtre, de préférence fraîchement lavée), au roucoulement indésirable et dont la chair tendre est appréciée par certains gourmets et autres prédateurs carnassiers.

 

 

Jeune pousse d'Avocat fraîchement émoulue de l'Ecole, encore innocente comme un pauvre canasson roumain ignorant que son funeste destin était de finir en magma lasagno-parmentiesqueje me languissais, comme nombre de mes camarades sans doute, d'attirer dans mon escarcelle mes premiers clients personnels, quand soudain, miracle ! Un simple coup de fil vint dégager un horizon jusqu'alors obscurci, en me proposant une aide pour développer ma clientèle personnelle.

 


Hourra,  me direz-vous ! 

 

 

Mais qui sont-ce donc ces mystérieux bienfaiteurs télépathes ?

 

 

Mon mystérieux démarcheur leva alors le voile sur son identité : une agence promettant monts et merveilles d'attirer de nouveaux clients via la création d'un site web.   

 

 

Flairant l'arnaque, parce que - déformation professionnelle oblige - les gens trop gentils paraissent forcément suspects, je ne résistais toutefois pas à l'envie d'accepter un rendez-vous pour savoir ce que ces filous proposaient pour attirer le chaland, afin d'alerter mes petits compagnons du funeste sort mijoté par un ersatz de vampire Transylvanien pour leur extirper le moindre euro jusqu'à plus soif.

 

 

Le jour J, ne me sentant pas vraiment d'attaque pour un petit jeu de dupes à cause de l'état grippal qui m'enfiévrait depuis plusieurs jours - les choses les plus désagréables étant fatalement les plus lentes à guérir - j'hésitais à annuler ou à reporter pour satisfaire ma curiosité piquée au vif.

 

 

Rendez-vous fut finalement pris quelques jours plus tard, le temps de reprendre un peu du poil de la bête.

 

 

Pour mettre en confiance le fieffé menteur gentil démarcheur, j'endosse alors le costume de la parfaite belette néophyte du Oueb, bref le pigeon par excellence, prêt à plumer, emballez, c'est pesé !

 

 

Et le voilà en train de déclamer avec tout son coeur son discours bien rôdé, graphiques illustrant ses promesses de croissance exponentielle de clientèle à l'appui, en  usant d'une logique implacable pour me prouver par A + B que le succès serait à la clef.

 

 

Moyennant une petite rétribution of course (soit la bagatelle de 250€ par mois), mais vu le nombre de clients éblouis par cette belle vitrine numérique, c'était vraiment des clopinettes !

 

 

En bon vendeur, il répète à l'envi mon nom comme pour mieux me convaincre, à la manière de certains politiciens dont je tairais le nom qui, pour se donner une contenance / détourner l'attention le temps de dégoter un semblant de réponse / flatter l'interlocuteur (Rayez la mention inutile !), usent et abusent de cet  insupportable tic verbal.


 

Le briefing pré-harponnage de jeune avocat naïf était visiblement efficace puisqu'il paraissait bien informé sur les enjeux de la profession, en me demandant si j'avais réellement la possibilité de développer une clientèle personnelle ou si j'étais suis l'une des nombreuses victimes du "salariat déguisé", en parlant d'un air faussement compatissant de la difficulté de se faire connaître dans un grand barreau, ou encore en s'indignant du manque de déontologie de certains confrères affichant sans vergogne des honoraires low-costs sur leurs sites...

 

 

 

Faisant mine d'être sceptique quant à la probabilité de voir arriver jusqu'à moi un flot de clients potentiels, alors qu'il faudrait escompter une quinzaine de clients par an pour tirer une quelconque rentabilité de cet investissement substantiel, il poursuit sa démontration de force en googlisant quelques mots-clés pour mettre en exergue le bon référencement de ses pigeons clients actuels.

 


Pour achever de me convaincre, le bel étalon est même prêt à donner de sa personne et propose une invitation à dîner une fois passé le cap des dix premiers clients.


 

Bref, il ne lésignait pas sur les moyens pour venir à bout de mes dernières réticences !  

 


Après de très - trop - longues minutes à réprimer baîllements et sourires en l'écoutant réciter ses belles fiches plastifiées en enchaînant les poncifs, et alors qu'il s'empressait - persuadé d'avoir réalisé son objectif avec un nouveau pigeon - de dégainer un contrat qui n'attendait que d'être revêtu de  ma griffe pour venir débiter allègrement mon compte bancaire qui venait tout juste de retrouver quelques couleurs avant de subir les assauts de l'URASSAF et autres charges exorbitantes, ma montre m'indiquait que nous avions respectivement perdu suffisamment de temps et que le moment était venu de mettre un terme à ses douces illusions. Bas les masques !

 

 

 

Puisqu'il avait préalablement mené sa petite enquête sur moi, j'avais moi aussi saisi mon fidèle clavier et interrogé une amie travaillant dans ce secteur pour voir mes soupçons se confirmer et apprendre que ce système de location de sites internets avait fait de nombreux clients mécontents, engagés dans de longues et souvent vaines procédures pour tenter de se dépatouiler de ce mauvais pas.

 

 

 

L'heure est grave, prévenez Julien Courbet, Jean-Pierre Pernault, Bernard de la Villardière pour dénoncer cette arnaque  ignominieuse ! 

 

 


Point de philantropisme donc, mais un montage juridique nébuleux mais néanmoins bien ficelé qui se referme comme un piège à loup sur un innocent agneau qui risque d'y laisser quelques plumes.

 


Si un contrat est signé avec la société réalisant le site, elle n'en est généralement pas l'heureuse propriétaire, un rapide coup d'oeil aux mentions légales du site permet de découvrir qu'un suppôt de Satan établissement de crédit se cache généralement sous ce système alambiqué.

 


L'engagement est  conclu pour une durée relativement longue, (de deux à six ans, en l'espèce, un engagement de 48 mois m'a été proposé), au cours de laquelle aucune résiliation n'est possible, sauf à payer l'ensemble des sommes dues jusqu'à échéance du contrat.

 

 

 

Si l'agence web rencontre des difficultés durant cette période et met la clef sous la porte sans repreneur, la banque, invoquant l'indépendance des deux contrats, continuera les prélèvements même si le site fait des siennes.

 

 

Quant à la qualité du référencement, si certains avocats sont en effet satisfaits du retour sur investissement, cela tient principalement au fait que les domaines d'intervention choisis et les mots-clés afférents sont peu prisés au sein du Barreau, de sorte qu'ils arrivent, faute de concurrence véritable, à atteindre la première page de résultats des moteurs de recherche.

 

 

 

Cet avis s'avère toutefois beaucoup plus mitigé pour ceux qui interviennent dans des contentieux de masse tels que le droit de la famille et le droit pénal, la concurrence virtuelle y étant rude alors que le besoin de se démarquer y est le plus grand ! Les chances de remporter la timballe se réduisent donc comme peau de chagrin. CQFD !


 

 

Interrogé sur les nombreux litiges, le ton du beau parleur - ancien moniteur de ski de son état - se fit soudainement beaucoup moins enjôleur, et il  se contenta d'un laconique et cynique :

 

 

 

"ça fait partie du business ! "

 

 

 

Soit ! Mais comme le dit un proverbe québécois : " Qui risque un oeil, perd les deux ! "

 

 

 

Touché Coulé !

 

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commentaires

C
<br /> C'est tout à fait un article qui donne des bonnes idées! De plus, les informations sont clairs et bien rédigés.<br />
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M
<br /> Comme quoi votre méfiance de prime abord n'a pas été vaine…<br />
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A
<br /> Triste pour vous...<br />
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J
<br /> Tu as eu droit à un bel apollon ? Comme c'est bizarre, moi, ce sont 2 très charmantes jeunes femmes qui sont venues me voir. En plus, par chance, l'offre extraordinanire qui me convenait en tous<br /> points se terminait le jour même ! Je me demande encore comment j'ai pu laisser passer une telle occasion...<br />
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