Il fut un temps, pourtant pas si lointain, où cette question était un incontourable de l'exercice de discussion, lors du Grand Oral; ce n'est, à tort ou à raison, plus le cas aujourd'hui, mais sait-on jamais!
Il est en général bien inutile et vain de tenter d'envisager toutes les questions susceptibles de traverser l'esprit pervers et sadique des jurés, aussi mieux vaut se préparer, autant que faire se peut, à l'éventualité de cette question, car lorsque l'on prétend vouloir être avocat, encore faut-il savoir pourquoi!
Il serait du plus mauvais effet que le jury vous pose cette question, et que votre cerveau, malade et enfiévré de n'avoir pas connu (ou si peu!) le repos durant des jours entiers soit incapable de fournir une réponse cohérente à une question qui semble si simple.
Alors, pourquoi veut-on être avocat?
- Certains répondront sûrement qu'il s'agit pour eux d'une véritable vocation, le but de leur existence depuis leur plus tendre enfance, ou pour suivre l'exemple de Papa Ernest ou de Tonton Marcel, ou encore parce qu'ils ont eu une révélation en regardant le film L'Avocat du diable ou un épisode de la série Ally McBeal...
- D'autres diront qu'ils veulent aider les autres, ou encore défendre la Veuve et l'Orphelin, ne se rêvant qu'en avocat des Victimes.
- Le goût pour l'art oratoire, l'écriture et les bons mots sera certainement évoqué par certains.
- Les plus audacieux oseront peut être avouer un but plus matérialiste: pour gagner confortablement sa vie ou jouir d'un statut social élevé.
- Quant aux autres, ils avoueront peut-être en être arrivés là un peu par hasard, en fac de droit, puis à l'IEJ à défaut d'autres perspectives professionnelles (suite à un échec à un autre concours, notamment ENM...).
Des milliers de raisons peuvent être données à cette réponse, mais chacune ou presque pourra se voir opposer une objection:
- Vous voulez suivre un modèle familial: vous n'avez donc aucune personnalité? est-ce vraiment ce que vous voulez ou est-ce juste pour faire plaisir à votre famille?
- Vous souhaitez aider les autres: devenez assistance sociale!
- Vous voulez défendre uniquement les victimes: pensez-vous vraiment que durant vos premiers années d'exercice (notamment durant votre collaboration) on vous laissera le choix de vos dossiers?
- Vous aimez l'art oratoire, parler en public: n'ignorez pas qu'aujourd'hui les plaidoiries sont de plus en plus réduites quant à leur durée, y compris en matière pénale, sous la pression de magistrats croulant sous les dossiers en audience, et souhaitant regagner leur home sweet home before midnight.
Par ailleurs, l'idée que l'on peut se faire des plaidoiries, avec de grandes envolées lyriques et une mise en scène théâtrale n'a presque rien sinon rien à voir avec la réalité, hormis peut-être pour les grands Ténors du Barreau (Me Collard, Metzner et Cie).
- Vous poursuivez un but matérialiste: il existe statistiquement beaucoup plus d'avocats gagnant à peine le SMIC ou guère plus (surtout à Paris) que d'avocats roulant en Porche ou en Maserati; à moins d'être avocat fiscaliste ou publiciste (ou spécialisé dans une branche très technique du droit), ou avocat en droit des affaires au sein d'une grande entreprise, soyez réalistes: vous vous démènerez souvent pour gagner suffisament pour faire face à vos charges; vous gagnerez généralement bien votre vie en comparaison du revenu moyen des français, mais n'espérez pas gagner des milliers d'euros par mois, en tout cas les premières années;
- Quant à l'idée d'un statut social élevé, force est de constater que l'avocat a bien souvent une image péjorative au sein de l'opinion publique (il sera vu au choix comme un "charognard" à l'affut de l'argent et prêt à tout pour soutirer un maximum d'honoraires à ses clients, ou comme un homme sans foi ni loi qui défend les pires criminels en ce bas monde); mais trêve de pessimisme: malgré cela, cette profession jouit toujours d'une aura, d'un certain prestige, en tout cas dans la "France d'en bas" d'où vient votre humble hôte/sse.
Quant à moi, pourquoi veux-je être avocat? Je pourrais moi-même difficilement y répondre. Sans vouloir raconter ma vie, qui n'intéresse personne, devenir avocat(e) ne m'avait jamais effleuré(e) avant le lycée et la terrible période des choix d'orientations post-bac au cours du printemps de l'année de Terminale; j'ai atteri en fac de droit un peu par hasard à la suite d'évènements indépendants de ma volonté, et il se trouve que je m'y suis bien plu.
Mes parents ne croyaient pas une seconde en mes chances de réussite lorsque j'ai entrepris mes études de droit, ce qui, loin de me démotiver, m'a au contraire donné une motivation supplémentaire sachant que je n'avais pas le droit d'échouer. Aucune des raisons susmentionnées ne m'a véritablement amené(e) à cette profession, cette envie ne s'explique pas (difficile de répondre ça à trois jurés inquisiteurs n'est-ce pas?).
A la fin de mon année de Master 2 j'ai fait le choix de refuser une thèse, ma préférence allant au concret plutôt qu'à la théorie. Ai-je eu raison ou tort? L'avenir nous le dira!
Alea jacta est.
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